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[Critique] Nausicäa de la vallée du vent

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Je ne sais pas par où commencer. Vous allez me dire que je démarre mal pour un début d’article. Mais aujourd’hui, je m’attaque à du gros morceau. Du chef d’œuvre comme il n’en existera peut-être plus jamais et je pèse mes mots. Une œuvre ineffable, empreinte d’une aura éthérée. J’avais vu l’adaptation cinématographique, qui permit la création du studio Ghibli… Un animateur clé du nom de Hideaki Anno s’est chargé de la scène de la bataille finale… Vous l’aurez deviné, je suis en train de vous faire comprendre que je vais vous faire une review de « Nausicäa de la vallée du vent ». Et si le film est en soi un pur bijou, il écarte hélas la richesse, la profondeur et la psychologie particulièrement fouillée de sa version papier, paru de 1982 à 1994 dans le magazine de pré-publication Animage.


 

Un manga très dense


 

Avant de vous lancer dans la lecture de « Kaze no tani no Naushika» (titre VO), il faut que vous soyez averti d’une chose. Il s’agit d’une lecture dense et je parle en termes de lecture pure. Pourquoi ? Miyazaki a opté pour un découpage Franco-Belge. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que dans une page, vous avez deux fois plus de cases. Qui dit deux fois plus de cases, dit aussi deux fois plus de dialogues. Et des dialogues, il y en a profusion dans Nausicäa. Une multitude qui s’explique par l’univers alambiqué et passionnant qu’a su développer Miyazaki.


Alors que j’ai lu près de 2229 manga (d’après My Anime list Bro) et que je suis, je puis le dire, un grand lecteur de manga, il m’a fallu des MOIS, oui vous lisez bien des MOIS pour achever seulement 7 tomes… Pourquoi ai-autant pris mon temps ?

 

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Miyazaki laisse ici exploser tout son talent. On peut voir dans ce seinen tout le génie de sa mise en scène, en l’occurrence lors des épiques scènes de batailles aériennes. Les combats d’escrime sont d’une maîtrise époustouflante, bref, le dessin est un  régal pour les Mireilles.

 

Nausicäa est un gigantesque monument du 9ème art. Développé par son auteur durant 12 longues années, lire ce trésor d’une traite serait du  gâchis. Il faut en apprécier chaque case, chaque dessin, chaque dialogue. Miyazaki a travaillé seul à 100% sur ce manga. J’irai donc jusqu’à dire que Nausicäa contient la quintessence de son œuvre entière, c’est l’essence et l’inspiration de tout ce qu’il créera par la suite.


 

Il était une fois…


 

Les hommes, à force d’avoir épuisé toutes les ressources naturelles de la terre,  les Hommes se sont retrouvés punis par elle. Sept jours de feu eurent lieux, dévastant tout sur la planète bleue : technologie, verdure, animaux, ect...  1000 ans plus tard. Quelques royaumes, aux coutumes bien différentes, vivent plus ou moins en harmonie avec la nature. La mer de la décomposition (ou « fukai » en VO) domine. C’est une immense forêt dans laquelle les hommes sont incapables de respirer sans masque. La fukai est peuplée par les « Omus » sorte d’insectes vers géants, qui règnent en maîtres dans ce territoire.

 

Nausicäa, notre héroïne, est la vénérée princesse de son peuple. Elle habite dans la vallée du vent et est la seule survivante sur les 10 enfants que sa mère a mis au monde.  Entraînée dans une guerre entre l’empire Tolmèque et Dork (Les Dorks sont absents du film) par une ancienne alliance, Nausicäa finira par devenir l’un des rouages majeures de cette guerre.

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Prépublié entre 1988 et 1992 dans le magazine Animage, Miyazaki ne se penche sur Nausicäa que lorsqu’il se sent désœuvré… Il devrait être paumé plus souvent le grand maître quand on voit le résultat ! Une parution longue et terrible pour les fans à l’instar de Akira de Katsuhiro Otomo, mais le résultat est à la hauteur. Si les bases sont simples (univers post-apocalyptique à cause de l’Homme), les fondements en ont été tellement recherchés au cours des 12 ans de sa parution que Nausicäa s’impose au final comme une référence des plus influentes dans le monde du manga. Ses thèmes seront repris par bien d’autre sans jamais pour autant égaler le maître. Entre l’initiation d’une prophétie avec "un être vêtu d'un bleu plus pronfond que le sang des Ômus", Complots politiques avec Kushana, son père et ses frères ;  sensibilisation à la nature ; conflits entre empires en guerre, ect…


 

Des messages à foison


 

Nausicäa véhicule des messages chers à son auteur, mais aussi au peuple japonais tout entier. Vous n’êtes pas sans savoir que  le shintoïsme, la religion la plus ancienne du Japon, voue un profond respect à la nature et à tous les êtres vivants qui peuplent notre monde. Les Japonais sont en effet très croyants concernant la vie éternelle et ils pensent que leurs ancêtres pourraient être réincarnés en insecte. Cette osmose avec la nature est enseignée dès l’école maternelle aux enfants japonais.

Dans Nausicäa, les enfants ont du être beaucoup moins sages parce que la nature s’est sacrément vengée… Fallait pas embêter les fourmis comme ça, que voulez-vous aussi… La forêt et les insectes font donc ici la loi, bafoués par la velléité de l’Homme. Contraint de survivre avec elle, Miyazaki nous rappelle que l’engrais de notre planète devrait être préservé et non épuisé à tout va..

 

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"Jack, je vole Jack ! Heu, non c'est pas ça..."


Mais la communion avec la nature n’est pas la seule chose que veut transmettre le mangaka.  Il faut aussi comprendre que la nature est avant toute chose imprévisible. Elle est sauvage et l’homme n’en est pas le maître. Ce rappel à l’ordre est précisé lors d’une interview de Miyazaki qui, de son point de vue, pense que l’homme est un être prétentieux. L’état du monde de Nausicäa est donc aussi la conséquence de la condescendance de l’homme à son égard.

Dernier grand message à relever, l’unification des peuples.  Vu comme une déesse par les maîtres vers ou comme un messager par les autres peuples, les qualités humaines de l’héroïne liguent les différentes tribus du monde vers un seul et même but. Chose impossible à l’habituel, car chaque clan est bien trop ancré dans ses rancœurs passées, ou dans ses coutumes. Coutumes qui les ferment aux autres, rancœur qui emplit de haine.

Tout ceci n’est pas sans rappeler la division que cause la religion dans le monde. Vous l’aurez compris, ce seinen possède différent niveau de lecture. Vous pouvez le prendre comme un excellent divertissement ou bien comme une œuvre engagée humainement et écologiquement.

 

 

Un rythme soutenu pour une héroïne unique

 

 

De la première page à la dernière page, le tour de force de Miyazaki c’est de créer un seinen au rythme constant. Le rôle de messie de Nausicäa se fait de façon crescendo et authentique. Ce sont ses rencontres avec la galerie de personnages conséquentes (les plus intéressants étant Kushana, le prêtre Dork et le garçon de la forêt Selm)  qui font le sel de l’œuvre qui suit le cheminement d’un momomythe.


http://images.ados.fr/1/bd-manga/nausicaa-vallee-vent/photo/hd/0187486018/2396059861/nausicaa-vallee-vent-nausicaa-vallee-vent-big.jpgNausicäa est une héroïne atypique, à laquelle il est difficile de s’identifier. Miyazaki a choisi pour personnage principal une femme, car d’après son interview du « Young Magazine », seule une femme pouvait posséder les qualités qu’il décrit. Nausicäa est une altruiste, qui aime à la fois l’homme et la nature. Ses actions sont la plupart du temps pacifique, elle n’aura qu’un seul excès de rage où elle tuera (lors de l’invasion de sa vallée) et regrettera amèrement son geste. C’est une grande épéiste et une excellente manieuse de Gunship grâce à sa connaissance du vent, qui sait parler à toutes les formes de vie, douce, gentille, Nausicäa n’a pour ainsi dire, pas de défauts et est capable de réagir à toutes les situations, où elle fait preuve d’une grande intelligence. A l’inverse de ses confrères, Miyazaki ne brosse pas le portrait de grands méchants aux intentions simplement vils, mais des hommes dont la décadence aura finit par les perdre humainement. Elle reste cependant impuissante face à certains événements, comme la guerre.


A ce sujet, Kushana apparaît être l’antonyme même de notre héroïne. Ce sont toutes les deux des princesses, brillantes, l’une est liée à la nature, l’autre à la technologie. Leur relation est l’une des plus intéressantes. L’autre aspect qui m’a plu réside dans le combat subconscient de Nausicäa avec le « néant », ombre qui apparaît vers le milieu du manga et s’oppose à notre héroïne.

 

 

Quête terminée 


 

Nausicäa est une œuvre indispensable au fan de Ghibli et de Miyazaki car elle est la source d’inspiration de la majorité des films du studio, mais aussi parce qu’elle en a permis sa création. Graphiquement et scénaristiquement poussés, osons le dire, Nausicäa est un manga presque sans défaut. Accrochez vos ceintures et suivez les aventures de la plus irrésistible des princesses !  Si la fin présage un avenir incertain pour l’homme, on nous rappelle que l’espoir nait justement quand on se serre les coudes face aux difficultés. Une façon humaniste et unique de terminer cette MASTERPIECE les mecs ! A lire absolument !

 

 

 

 

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