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Le vent se lève... ou pas

 

Les films du studio Ghibli font toujours leur petit effet sur la blogosphère, lors de leurs sorties en salle. Tous les fans de Japanimation s’attachent à en faire un compte-rendu élogieux, souvent charmés par la magie et la poésie de ces films d’animation… Sauf que cette fois, je vais être à contre courant de ce que beaucoup ont pu dire : je ressors mitigé de ma séance d’hier soir face au dernier film de Miyazaki.

 

 

Le temps d’un rêve

 

 

Vous l’avez probablement lu mille fois, mais l’essence du film repose sur un extrait du poème de Paul Valéry « Le cimetière marin » : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ». Cet extrait devient une maxime pour l’ensemble des personnages qui vont en effet tout faire pour tenter de vivre. Tenter de vivre oui, mais à quel prix ? Là est la question.

 

              

 

La première séquence du film nous présente Jirô, un jeune garçon dans le Japon des années 1920 dont la myopie a enterré son rêve de devenir pilote. Mais qu’à cela ne tienne : il deviendra un ingénieur en aéronautique. Jirô Horikoshi (1903-1982) est le premier personnage ayant réellement existé dans un film Ghibli mais cette nouveauté est surtout l’occasion pour Miyazaki de livrer des éléments autobiographiques de sa vie.

 

Nous connaissons sa passion pour les avions (Porco Rosso, Nausicäa) mais le papa du réalisateur travaillait lui-même dans des ateliers de construction aéronautique. On sait aussi que sa mère souffrait du même mal que la femme de Jirô. Miyazaki se livre presque entièrement à nous, il est difficile de ne pas faire le parallèle touchant entre la vie de Jirô et celle du réalisateur.

 

 

A la lecture de ces premiers paragraphes, vous aurez compris que si ce film est plus personnel, il est aussi plus réaliste. L’imaginaire ne reprendra ses droits qu’à travers les rêves de Jirô où il rencontre le célébrissime Caproni (1886-1957), un ingénieur italien. Caproni expliquera à son ami japonais que les avions ne sont pas faits pour la guerre qui se prépare, mais pour permettre aux hommes d’accomplir leurs rêves.

 

Ces rêves sont de toute beauté, les avions les plus fantasques y voient le jour : « tout est possible dans un rêve » ! Pour autant, Miyazaki laisse cette fois-ci au placard son folklore de créatures que nous aimions tant. Le vent se lève marque un tournant à plus d’un niveau chez le réalisateur, dont ce dernier.

 


Un rêve funeste

 


Le rêve pur qu’entretient Jirô sera à son terme funeste, tant pour son pays que pour les gens qu’il aime. Son rêve deviendra le fameux chasseur Zéro (ou Mitsubishi A6M), utilisé par la marine japonaise lors de la seconde Guerre Mondiale. Il délaissera, sans s’en rendre compte, sa femme au profit de son rêve, offrant au long-métrage une conclusion douce et amère.

 

Le ton se veut résolument plus adulte : les personnages s’engagent dans leur relation au point de se marier. Mais plus important encore, c’est le décor du conflit international qui se dessine qui frappe. Jirô va visiter l’Allemagne et sera légèrement confronté au nazisme naissant. On verra même une poursuite entre ce que l’on suppose être la future gestapo et un possible membre de la résistance. Miyazaki se fera accuser de Bellicisme pour cela et d'autres raisons, mais je ne tiens pas à m’attarder sur la polémique inutile dont souffre le film.

 

 

Jirô ne se positionnera pas dans cette guerre, bien qu’étant un acteur majeur (de part la construction de ses avions), il restera impassible face à ses commanditaires en se contentant de répondre nonchalamment qu’il « fera de son mieux ». Il est avant tout là pour concrètiser son rêve d'enfant (seul élément lié à l'enfance, un thème pourtant récurrent chez Ghibli), même si ce qui l’attend au bout du chemin ne sera que regret.

 

On serait tenté de croire que le parti pris emprunté par Miyazaki a complètement délaissé ses habitudes, il n’en est rien. Les superbes compositions de Joe Hisaichi sont empreintes de cette mélancolie unique qui sied parfaitement au chara-design du maître. Nous pouvons toujours compter sur l’omniprésence de la nature luxuriante et de personnages aussi charismatiques que profondément humains : ni mauvais, ni bons, juste présents dans une époque avec laquelle ils tentent de vivre. 

 

Alors, qu’est-ce que je reproche concrètement au film ? Ce sont justement ses qualités que je n’ai pas su apprécier. Il y a du Miyazaki mais aussi du changement et il faut croire que je n’ai pas su l’apprécier à sa juste valeur. Le vent se lève demeure pour autant un film d’animation incontournable, juste pour dire au revoir et merci à un des plus grand monsieur du cinéma.

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deux trois pistes pour (re)essayer de l'apprécier : <br /> s' interroger sur l'utilisation du sons, ceux des avions, grondement du tremblement de terre ... qui semble tous provenir d'une bouche humaine, au début enfantins, dans le rêve de Jiro, puis qui tombent dans les graves, (le 1er avion à faire un bruit caverneux est le 1er à vraiment marcher, Jiro sera alors transporté et sait à ce moment qu'il vouera sa vie aux avions, c'est aussi là que ce bruit devient le même que celui du tremblement de terre). Que 'est-ce qui se passe avec ces bruits ?<br /> Regarder les couleurs et la qualité des peintures des décors, qui sont absolument magnifiques. Rien que pour jeter un nouveau à l'ambiance nostalgique et chaude de la maison de la femme de jiro (le porche et sa lumière orange nom de dieu !), aux campagnes, au bois des maisons... Toute image fixe de ce film est une oeuvre d'art.<br /> L'ambivalence du personnage principal et de la phrase héponyme du titre, pleine d'espoir... a première vue. Quant l'un est ce caractère quasi-parfait (il protège les faibles, n'attend rien en retour, il est fort travailleur, talentueux, lucide, passionné, généreux... mais c'est aussi un assassin, froid, il tuera sa femme et des milliers (millions) d'autre gens au service de sa passion -là je ne suis pas d'accord avec toi, il en délaisse pas sa femme, bien au contraire, quant elle le rejoindra ils feront tout pour rester ensemble au maximum, c'est d'ailleurs ça qui la tuera, elle préférera, et luis aussi, rester ensemble au lieu d'aller en maison de soin-). En partant de là : le &quot;... il faut tenter de vivre&quot; est beaucoup moins sympathique, un abysse de fatalité nous engouffre, si les passions du meilleur des hommes nous conduisent inévitablement à la mort et la souffrance...<br /> Personnellement le parallèle avec la vie de Miyasaki ne m'a pas touché plus que ça.<br /> Voilà voilà, c'est pour moi le film le plus sombre de l'oeuvre de maître Hayao, pas mon préféré, qui mérite au moins une longue réflexion si la grâce ne vous a pas touchés.
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